Edouard Tinturier 1957-1977
Lorsque, à 37 ans, Edouard Tinturier prend la direction de ce qui va devenir l’Harmonie des Cadets, il bénéficie d’une grande expérience, acquise en priorité dans la fanfare militaire. Il y entre comme recrue en 1940 et, moins de cinq ans plus tard, il est chef de la fanfare de la 14e division “directement sous les ordres du colonel Guisan” comme il l’écrit lui-même !
Très rapidement, ses jeunes musiciens participent à des concours (qu’ils gagnent le plus souvent), marchent dans des défilés, donnent des concerts. Sur leur lutrin s’ouvrent des partitions inhabituelles pour l’époque et ce genre de formation : Porgy and Bess, la Danse du sabre, Carioca, le Chant hindou, Laridah, ... voici quelques titres qui en disent long sur les objectifs du directeur : ouvrir ses élèves à la musique dans toute sa diversité.
D’une autorité indiscutable au local comme dans la vie quotidienne, Edouard Tinturier mène ses cadets à la baguette, certes, mais surtout, il les amène à se dépasser, à se responsabiliser. Il les encourage à monter au pupitre : l’ensemble de cuivres et l’ensemble des bois sont dirigés par de jeunes musiciens. Tout concert se termine par une marche brillante, soudain le chef quitte la scène et laisse le groupe finir le morceau ... toujours impeccablement. Coup d’épate, diront certains ; mais non, un geste symbolique de la confiance qu’il fait à ses musiciens, de cette confiance qui fait grandir et qui, reçue, devient estime de soi sur laquelle on peut construire une personnalité forte.
Dans les années 70, une équipe de jeunes rédacteurs sortent un journal interne “Bex -Jeunesse- Musique”, On y trouve des articles sur la musique bien sûr, les grands compositeurs, les stars du jazz, mais aussi des réflexions sur les problèmes de société comme le racisme, des nouvelles de la vie bellerine, l’actualité de la société et de ses membres, et bien sûr les bons mots entendus lors des répétitions. Là encore, on observe le souci du chef d’offrir aux jeunes les moyens de s’exprimer et de s’affirmer, d’exercer leur liberté dans un cadre bien structuré.
Par son engagement qui dépassait de loin celui d’un simple professeur de musique, Edouard Tinturier a profondément marqué les nombreux enfants qui ont eu la chance de jouer avec lui. Il leur a ouvert des portes sur la culture, enseigné l’importance de la fidélité à leur groupe, donné le courage de se remettre en question et transmis la satisfaction de présenter un travail de qualité.
Ils étaient fiers d’être des cadets, ils sont toujours fiers d’être de l’Harmonie ; vous pourrez lire ce sentiment dans les yeux de ceux qui seront sur la scène lors du concert, mais aussi dans le regard de tous les anciens musiciens qui seront dans la salle.
Ceux-ci se souviendront et se retrouveront pendant quelques instants, en pensée, en face de leur directeur ; ils mesureront certainement encore une fois tout ce qu’ils doivent à cet homme remarquable qu’était Edouard Tinturier.